Le Couteau Calaisien
À travers le Couteau Calaisien, un artisan rend hommage à sa ville natale, entre passion, tradition et innovation. De ses premières gravures à la main jusqu’à la reconnaissance par de grands chefs, découvrez le parcours inspirant d’un créateur local dont les couteaux uniques incarnent le raffinement de l’art de la table et le patrimoine de Calais.
Qui se cache derrière le créateur du Couteau Calaisien ?
“Je suis né dans les années 70, d’un père calaisien et d’une mère allemande. Depuis tout petit, j’ai toujours aimé les activités manuelles. Le bricolage me passionnait, et mon rêve d’enfant, c’était d’intégrer l’école hôtelière du Touquet pour faire carrière dans l’univers de la gastronomie.
Mais la vie m’a conduit sur un autre chemin, avec un parcours professionnel assez varié. C’est en 2015, lors d’une période de chômage, que tout a basculé. Je me suis alors mis à graver du métal, du laiton et du bronze, simplement pour le plaisir. Et un jour, un ami m’a lancé un défi qui allait tout changer : “Sais-tu fabriquer un couteau ?” Je me suis lancé sans formation, juste avec ma curiosité et mon envie d’apprendre. Ce fut une révélation. J’ai appris seul, perfectionné mes gestes, et très vite, la coutellerie est devenue une véritable passion.”
Pourquoi avez-vous choisi de vous lancer dans la fabrication de couteaux ?
“La coutellerie est arrivée un peu par hasard dans ma vie, mais c’est devenu une vraie réponse à une frustration ancienne : ne jamais avoir pu travailler dans le milieu de l’hôtellerie ou de la restauration, que j’admire profondément.
Grâce à ce métier d’artisan coutelier, je suis parvenu à renouer avec cet univers raffiné, celui de l’art de la table, de la gastronomie, de la précision. Ma mère allemande vouait une admiration totale à la table française : les beaux couverts, les nappes bien repassées, les assiettes bien dressées. Chez nous, le repas était un moment précieux, et cette culture de la table m’a profondément marqué.
Aujourd’hui, à travers mes couteaux artisanaux, je rends hommage à cette élégance, à ce raffinement, en créant des pièces uniques, façonnées avec passion.”
Qu’est-ce qui rend vos couteaux uniques ?
“Je voulais créer des couteaux qui racontent une histoire, pas seulement être de simples objets utilitaires. Mes créations sont différentes, parce qu’elles s’éloignent des standards souvent très masculins, anguleux ou agressifs que l’on retrouve dans la coutellerie traditionnelle.
Dès les premiers prototypes, j’ai choisi des formes plus douces, plus rondes, inspirées de la mer. Mon tout premier modèle ressemblait à un petit poisson. Cette inspiration marine reste présente aujourd’hui dans les lignes et courbes de mes couteaux.
Au-delà de la forme, chaque couteau est entièrement fait à la main, de façon artisanale, avec une grande attention portée aux détails et à la qualité des matériaux. C’est un vrai travail d’orfèvre, un savoir-faire local qui s’inscrit dans une tradition d’excellence artisanale.”
Combien de temps faut-il pour fabriquer un couteau artisanal ?
Au début, il me fallait entre 15 et 18 heures pour fabriquer un seul couteau, de la conception à la finition. J’ai progressivement gagné en efficacité tout en maintenant un haut niveau d’exigence. Aujourd’hui, je travaille par séries de plusieurs pièces, ce qui me permet d’optimiser les étapes comme les temps de séchage.
Même si je conserve mon activité professionnelle principale, je produis environ une trentaine de couteaux par mois. Chaque pièce est unique, fabriquée à la main dans mon atelier avec passion. C’est un travail minutieux, mais c’est aussi ce qui en fait la valeur.
Quelles réactions suscitent vos couteaux ?
“Au départ, mes couteaux séduisaient surtout un cercle restreint : des collectionneurs, des amateurs d’artisanat, et bien sûr des Calaisiens très attachés à leur ville. Ils voyaient dans le Couteau Calaisien un objet symbolique, un morceau de leur histoire à porter sur soi ou à offrir.
En mai 2021, un tournant important a eu lieu : le chef étoilé Christophe Dufossé, lui-même originaire de Calais, a décidé de m’accorder sa confiance. Il m’a commandé des couteaux de table et des couteaux à beurre pour son restaurant gastronomique au Château de Beaulieu.
Depuis, d’autres établissements prestigieux m’ont sollicité, comme le 49R à Lille. Aujourd’hui, mes couteaux voyagent bien au-delà de la Côte d’Opale : on les retrouve partout en France, mais aussi à l’international, au Canada, aux États-Unis, en Allemagne ou en Grèce.
C’est une grande fierté de voir une création artisanale calaisienne rayonner à ce niveau.”
Quelle est la rencontre qui vous a le plus marqué dans votre parcours ?
“Je crois que toutes les rencontres sont marquantes. Il y a toujours une émotion particulière quand une personne découvre mon travail, qu’elle comprend l’histoire et l’amour que je mets dans chaque couteau. Voir des étoiles dans les yeux, des sourires émus, ça vaut toutes les récompenses. C’est une forme de reconnaissance précieuse pour un artisan.”
Quel souvenir ou commande vous a particulièrement ému ?
“Il y en a plusieurs, mais une histoire m’a profondément touché. Un client m’a contacté en me parlant de sa mère, dentellière de métier. Elle s’était mariée dans une robe en dentelle de Calais, conçue par son propre père. Il m’a confié un morceau du bustier de cette robe pour que je crée quatre couteaux uniques.
Pour la première fois, j’ai travaillé une dentelle blanche sur fond noir. Cette commande n’était pas seulement un objet : c’était une mémoire familiale, une transmission, un hommage. C’est dans ces moments-là que mon métier prend tout son sens. Le couteau devient alors un lien entre passé et présent, entre émotion et création.”